Les Charmettes

Sous l'Ancien Régime, l'actuel domaine des Charmettes, alors nommé « clos de la Brasserie », fut acquis par les Marquis de Condren en 1589.

Le cousin d'Alexandre Dumas

En 1793, Jacques Conseil, ancien curé de la paroisse devenu maire de Largny, acheta l'ensemble de la propriété et ses héritiers furent la famille de Ryon. L'abbé Conseil qui était le cousin d'Alexandre Dumas, avait été gouverneur des pages. Citons les mémoires d'Alexandre Dumas :

l'abbé Conseil avait eu, sous Louis XV et sous Louis XVI, toute sorte de bénéfices. Si bien que l'abbé Conseil était riche : il possédait à Largny, village situé à une lieue de Villers-Cotterêts, une charmante maison, un jardin des plus pittoresques au fond d'une vallée. J'allais faire deux visites par an au cousin Conseil, l'une le 1er janvier, l'autre le jour de sa fête ; il m'embrassait sur une joue, me donnait une claque sur l'autre. Là se bornaient ses libéralités.

Auguste Castellant: Un admirateur de Jean-Jacques Rousseau

À partir de 1823, le domaine passa successivement aux familles Guay et Moutonnet-Joly avant d'être acquis en 1891 par le journaliste Auguste Castellant (1844-1918) qui fut à l'origine de la création et de l'aménagement du parc actuel.
Le journaliste et écrivain Auguste Castellant avait une admiration passionnée pour l'œuvre de Jean-Jacques Rousseau (1712-1778). Il était l'instigateur de nombreuses manifestations organisées à partir de 1878 en l'honneur du philosophe :

• célébration du centenaire de sa mort le 14 juillet 1878,
• fête à Ermenonville (Oise) en juillet 1878,
• érection du monument national sur la Place du Panthéon à Paris en 1889,
• inauguration des monuments commémoratifs d'Asnières en 1885, de Montmorency en 1907 et d'Ermenonville en 1908.

De même, en 1894, les Charmettes de Largny sur Automne furent le cadre d'une fête de « l'Être suprême » qui fut relatée par Jacques Sincère dans un article intitulé « Une fête déiste »

Enfin, l'engagement d'Auguste Castellant, reconnu au niveau national, lui valut de faire partie de la commission qui présida à l'ouverture des tombeaux de Voltaire et de Rousseau en 1897.

Le nom "Charmettes"

Dès son acquisition en 1891, Castellant rebaptisa le Clos de la Brasserie du nom de « Charmettes » en référence à la propriété du philosophe à Chambéry (Savoie).

Le jardin

L'accès au domaine s'effectuait sur les hauteurs du jardin depuis la route de Vez, au moyen d'une grille située entre deux piliers portant le nom des Charmettes. À gauche se situait le temple de la Philosophie, le rond-point où fut établi plus tard le temple de la Nature et enfin le bassin. Le chemin, sous lequel furent aménagées de petites grottes, aboutissait à la façade Est de l'habitation. Un buste de Jean-Jacques Rousseau se situait également dans la propriété.

De 1891 à la mort d'Auguste Castellant en 1918, la conception du jardin organisé autour de la maison fut volontairement tournée vers de constants hommages au philosophe des Lumières.

À l'exemple du temple d'Ermenonville, les six colonnes doriques du temple des Charmettes portent également le nom d'illustres penseurs : Rousseau, Voltaire, Descartes, Newton, Pythagore et Platon. Sur l'architrave, Castellant fit graver en latin : Naturae leges cognoscere et causarum causam et semper altius scientia et justicia in splendore aeternalium ascendere (Connaître les lois de la nature et la cause des causes et s'élever sans fin par la science et la justice vers les splendeurs éternelles).

Le centre du temple est occupé par une sculpture exécutée par Henri Gréber (1854-1941) représentant Jean-Jacques Rousseau assis sur un rocher, à l'ombre d'un chêne, sous le regard d'une allégorie de la Vérité.

Comme une dernière référence à Ermenonville, Auguste Castellant fit élever aux Charmettes de Largny sur Automne une réplique du tombeau de Rousseau dans laquelle il fut inhumé en 1918

En 1912 Castellant fut nommé Président de la Société Historique Régionale de Villers-Cotterêts. Il lègua à cette société sa maison et son parc.

Conclusion

Le parc des Charmettes offre un ensemble cohérent dont les éléments constitutifs (temples, statuaire, bassin en eau, maison d'habitation, tombeau) sont toujours présents.

Son importance est à évaluer par rapport de l'intention de son concepteur, dans le cadre d'un mouvement de célébration de la République et d'attachement aux valeurs des philosophes du Siècle des Lumières. Cette démarche intellectuelle doit être rapprochée du contexte historique, culturel et politique de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle : une jeune république affaiblie par les dissensions qui opposaient les républicains à la droite conservatrice, des scandales qui provoquèrent polémiques et divisions, un intérêt nouveau pour l'étude de la Révolution Française et des idées du Siècle des Lumières, empreint d'idéologie et finalement d'engagement politique.

Le parc des Charmettes est donc un témoignage à la fois exceptionnel et spectaculaire non seulement de l'engagement entier de Castellant au service de la cause et des idées de Rousseau mais encore d'une période caractéristique de l'Histoire.